Énoncé de principe sur les inhibiteurs topiques de la calcineurine
L’Association canadienne de dermatologie (ACD) a produit un énoncé de principe sur l’utilisation des inhibiteurs de la calcineurine en 2005. L’énoncé visait à répondre aux préoccupations soulevées par le comité consultatif pédiatrique de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis au sujet d’un risque théorique d’apparition de tumeurs malignes chez les enfants traités pour une dermatite atopique au moyen d’inhibiteurs topiques de la calcineurine.
La déclaration du comité consultatif pédiatrique découlait d’une discussion sur l’évaluation des risques,l’étiquetage, la communication et la diffusion des risques possibles chez les enfants traités pour une dermatite atopique au moyen d’inhibiteurs topiques de la calcineurine. Au cours de la réunion en question, le comité s’est penché sur toutes les données disponibles provenant de programmes cliniques et de surveillance postcommercialisation pour y trouver des éléments de preuve sur le risque accru d’apparition de cancer, et en particulier de maladies lymphoprolifératives. Les fabricants de ces produits ont alors présenté des instances et le comité a entendu des témoignages indépendants d’experts du lymphome et de l’immunologie. Le comité a recommandé à la FDA d’ajouter une mise en garde « encadrée de noir » sur les étiquettes des inhibiteurs topiques de la calcineurine. La Direction des produits thérapeutiques (DPT) de Santé Canada a recommandé d’envoyer à tous les médecins du Canada une lettre décrivant ces préoccupations. Ces deux mesures ont été prises.
En 2005, les inhibiteurs topiques de la calcineurine avaient été étudiés collectivement chez plus de 38 000 sujets, dont 14 000 enfants de moins de 17 ans. En outre, plus de 6,7 millions de patients ont utilisé le tacrolimus ou le pimecrolimus depuis que la mise en marché en a été approuvée. On avait signalé à l’époque deux cas (carcinome spinocellulaire et cancer du côlon) liés au pimecrolimus et l’on n’a signalé aucun cas lié au tacrolimus au cours de programmes d’essais cliniques. Dans le cadre des programmes de déclaration spontanée, on a signalé six cas (quatre lymphomes, deux cancers de la peau non mélanome) liés au pimecrolimus et neuf cas de lymphome liés au tacrolimus, ainsi que 10 autres types de tumeurs. L’incidence prévue du lymphome s’établit à trois dans le contexte des programmes d’essais cliniques et à 61 dans celui des programmes de déclaration spontanée. Aucun des cas de tumeur maligne n’a été signalé chez les enfants de moins de deux ans.
Au cours des 12 années qui ont suivi, des volumes importants de données ajoutées aux publications médicales n’ont pas réussi à démontrer une augmentation des taux de lymphomes, de leucémie ou d’autres tumeurs malignes chez les patients traités aux inhibiteurs topiques de la calcineurine (tacrolimus et pimecrolimus). Une étude publiée a en fait signalé que l’incidence du lymphome dans la population exposée au pimecrolimus topique diminuait d’un facteur d’environ 54 par rapport à celle que l’on constate dans la population générale1.
Une mise à jour des éléments de preuve portant sur l’utilisation des inhibiteurs topiques de la calcineurine et le lymphome publiée en 2013 montrait que le nombre de tumeurs malignes et de lymphomes à la fois observés au cours de la surveillance postcommercialisation et déclarés à la FDA dans le cadre de son système de déclaration des effets indésirables « est beaucoup moins élevé chez les patients exposés aux inhibiteurs topiques de la calcineurine que le nombre prévu dans la population générale. De plus, chez les enfants participant à des études de registres pédiatriques postcommercialisation portant à la fois sur le tacrolimus et le pimecrolimus qui ont été suivis pendant jusqu’à 5,5 ans ou 6,5 ans respectivement, le nombre observé de tumeurs malignes et de lymphomes est très faible et semblable à celui auquel l’on s’attend dans un échantillon de taille semblable de la population générale. »2. Au cours de la même année, la Société canadienne d’allergologie et d’immunologie clinique a publié un énoncé de principe où elle affirme « qu’il n’y a pas actuellement d’éléments de preuve publiés démontrant que les inhibiteurs topiques de la calcineurine prédisposent clairement aux tumeurs malignes »3.
En 2015, le réseau Cochrane a publié une analyse de l’utilisation topique du tacrolimus contre la dermatite atopique effectuée dans le cadre de 20 études portant sur 5 885 sujets et n’a pas trouvé d’éléments de preuve établissant un lien entre le risque de tumeur maligne et l’utilisation du médicament.
Après une étude des données les plus courantes4,5,6,7, le Conseil consultatif pharmaceutique et thérapeutique de l’ACD conclut qu’il n’y a toujours pas d’éléments de preuve démontrant que les taux de malignité augmentent chez les patients adultes et enfants traités aux inhibiteurs topiques de la calcineurine. Cette conclusion reflète celle de nos collègues de l’étranger, soit de l’American Academy of Dermatology, du Groupe de travail sur l’eczéma de l’Académie européenne de dermatologie et de vénéréologie et du Groupe de concertation Asie-Pacifique sur la dermatite atopique.
L’ACD est d’avis que les inhibiteurs topiques de la calcineurine constituent une catégorie d’agents thérapeutiques importants pour le traitement de la dermatite atopique chez les enfants et les adultes. L’ACD est d’avis que la recommandation formulée par la FDA et la DPT au sujet d’une telle mise en garde ne repose toujours pas sur des éléments de preuve médicaux et sur une expérience clinique de plus en plus étendue.
Dans le cas des inhibiteurs topiques de la calcineurine :
- Rien ne démontre une augmentation du taux de lymphomes comparativement à la population générale.
- Les tendances cliniques et histologiques des lymphomes observés ne concordent pas avec les lymphomes types reliés à l’immunosuppression.
- L’absorption des inhibiteurs topiques de la calcineurine est minime et leur concentration sanguine est non détectable ou négligeable, ce qui rend peu probable l’immunosuppression intense à long terme.
- Rien ne démontre qu’il y a un effet sur l’efficacité de l’immunisation, la réaction cutanée d’hypersensibilité retardée ou des taux d’infections générales.
L’ACD continuera de suivre de près la situation afin de protéger le mieux possible les soins de la peau chez les Canadiens.
Bibliographie
1 Carr, W.W. Topical Calcineurin Inhibitors for Atopic Dermatitis: Review and Treatment Recommendations. Pediatric Drugs (2013) 15: 303. https://doi.org/10.1007/s40272-013-0013-9
2 Siegfried EC, Jaworski JC, Hebert AA. Topical Calcineurin Inhibitors and Lymphoma Risk: Evidence Update with Implications for Daily Practice. American Journal of Clinical Dermatology. 2013;14(3):163178. https://doi.org/10.1007/s40257-013-0020-1
3 Segal AO, Ellis AK, Kim HL. CSACI position statement: safety of topical calcineurin inhibitors in the management of atopic dermatitis in children and adults. Allergy, Asthma & Clinical Immunology 2013;9:24 https://doi.org/10.1186/1710-1492-9-24
4 McCollum AD, Paik A, Eichenfield LF: The safety and efficacy of tacrolimus ointment in pediatric patients with atopic dermatitis. Pediatric Dermatology. 2010, 27: 425-436. https://doi.org/10.1111/j.1525-1470.2010.01223.x
5 Radovic TC, Kostovic K, Ceovic R, Mokos ZB. Topical Calcineurin Inhibitors and Malignancy Risk, International Journal of Cancer Management. 2017 ;10(4):e6173. https://doi.org/10.5812/ijcm.6173
6 Tennis P, Gelfand JM, Rothman KJ. Evaluation of cancer risk related to atopic dermatitis and use of topical calcineurin inhibitors. British Journal of Dermatology. 2011, 165: 465-473. https://doi.org/10.1111/j.1365-2133.2011.10363.x
7 Thaçi D, Salgo R. Malignancy concerns of topical calcineurin inhibitors for atopic dermatitis: facts and controversies. Clinics in Dermatology. 2010;28(1):52–56. https://doi.org/10.1016/j.clindermatol.2009.04.001
Approuvé par le Conseil d’administration en avril 2018
Diffusé en mai 2018